Lis mes ratures...

Lis mes ratures...

Le harcèlement de rue et la tentation du "Tous les mecs sont des connards"

Ce dont il est question

Le harcèlement de rue. LE harcèlement de rue. On n’cause que d’ça. Et je vais en remettre une couche.

 

TOUS LES MECS SONT DES CONNARDS.

 

Non, je rigole (et oui, j’ai un humour douteux).

 

Le harcèlement de rue. Je sais, je connais, j’ai pratiqué, et pas plus tard que la semaine dernière j’ai remis à sa place un graveleux.

 

Pour la petite histoire...

La jeune fille en robe mauve marche dans la rue, et passe à côté d’un bar PMU. Deux hommes boivent une bière en terrasse, elle ne les voit même pas parce qu’elle a la tête dans les nuages.

 

- Tout ÇA pour moi ? C’est mon cadeau ? Hun, dis ? TOUT ÇA POUR MOI ? Oh, bah si j’avais su en me levant ce matin que j’aurais un cadeau comme ça, arf arf arf.

 

La jeune fille en robe mauve baragouine un truc, ne s’arrête pas. Elle est énervée, quand même. Alors, 400 mètres plus loin, elle se décide à faire demi-tour, revient au bar PMU.

 

- Bonjour Messieurs. Lequel de vous m’a alpaguée il y a quelques minutes ?

 

Un cinquantenaire blond platine fanfaronne, vieux coq idiot.

 

- C’est moi.

- Bien. Je tenais à vous dire que non, TOUT ÇA n’est pas pour vous, JE ne suis pas à vous, JE ne suis pas votre « cadeau », comme la majorité des filles qui passent en robe dans cette rue JE ne vous appartiens pas et ne vous appartiendrais jamais. Donc, si d’aventure nos chemins se recroisent, j’aimerais autant que vous fermiez votre gueule.

 

Le vieux coq platine n'est pas content. Il dit que c’était de l’humour. LOL.

 

Bref. Le harcèlement de rue, je connais, je subis, et c’est chiant.
J’invite les filles qui en sont victimes à ne pas se laisser faire.

 

Mais.

Car il y a un « mais ».

 

Si je déteste l’attitude de certains garçons qui nient l’existence d’un tel phénomène parce qu’ils ne l’ont jamais constaté (dans le genre « je ne crois que ce que je vois »), si j’exècre les babouins agressifs qui osent déclarer que « c’est la faute des filles qui se foutent à poil dès qu’il y a un rayon de soleil elles le cherchent franchement elles le méritent voilà toutes des salopes », j’abhorre tout autant la nuée d’opportunistes qui se jette sur le sujet pour dramatiser et généraliser.

 

Non, tous les garçons ne sont pas des goujats. Les goujats sont une minorité visible, audible, perceptible, mais une minorité. Il faut arrêter de psychoter. Attention, c’est une minorité nuisible, je ne dis pas le contraire. Il suffit de deux poux pour que ça démange (je sais de quoi je parle) : de même, il suffit d’un vieux coq platine qui fait de l’humour pour flinguer un après-midi.

 

Le harcèlement de rue n’est pas la drague. Le harcèlement de rue n’est pas la galanterie. Le harcèlement de rue n’est pas un compliment. Le harcèlement de rue n’est pas un regard. Le harcèlement de rue n’est pas un « Bonjour ». Et je pense que n’importe quelle fille sensée sait faire la différence entre une attitude anormale et ce qui ressort des interactions saines entre individus de sexe opposé.

 

Y en a marre de la névrose

On fait comment, pour se rencontrer, s'il est impossible de s'aborder sans avoir peur d'être taxé de harceleur ou de se sentir harcelée parce que le discours ambiant qualifie de harcèlement la moindre tentative d'approche ? On glisse les uns contre les autres, le regard droit pour éviter les yeux de dévier, les oreilles entravées par la musique des écouteurs ? Joyeux.

 

Je ne veux pas d’un monde sans galanterie. Je ne veux pas d’un monde sans séduction. Je ne veux pas que les hommes aient peur des femmes. Je ne veux pas que le respect découle de la crainte de l’autre. Je ne veux pas d’un monde où l’on s’ignore pour ne pas risquer de s’importuner.

 

J'en ai marre de cette France soi-disant de plus en plus sexiste, de plus en plus raciste, de plus en plus déprimée, de moins en moins performante, où il n'est plus permis de rien dire en-dehors de limites de plus en plus oppressantes.

 

À force de crier au loup, on voit la queue du loup, puis le loup tout entier, et PAF ! le chaperon rouge. Prophétie autoréalisatrice.

 

Message d’amour

C'est un message d'amour pour tous les garçons de la terre qui ne savent plus sur quel pied danser. Les filles vous aiment. Elles aiment que vous les regardiez. Que vous les trouviez jolies. Que vous les abordiez quand vraiment wouaouh elles vous plaisent.

 

Elles n'aiment pas la petite proportion d'individus qui les regardent comme des objets qu'ils pourraient s'accaparer. Elles n'aiment pas qu'on les mette mal à l'aise. Elles n'aiment pas qu'on leur colle une main aux fesses. C'est juste logique. Et j’invite les femmes à ne pas se laisser faire.

 

Dans mes rêves les plus fous, j'enferme ces individus détestables et les féministes les plus radicales (que je déteste tout pareil) dans une même pièce. Et je regarde ce qu'il se passe avec délectation, parce que je suis un peu perverse.

 

Épilogue

Ce matin, un garçon, en me voyant, a levé son pouce en l’air. Je n’y ai rien vu de dégradant : il avait un joli sourire accroché sur la figure, une attitude sympa. Ça m’a fait plaisir, même, et sourire jusqu’aux oreilles.

 

Heureusement, qu’on se désire et qu’on s’attire.

 

***

Épilogue bis

Face à quelques réactions, j’ai envie de développer un peu plus avant cet article écrit « sur le vif », à chaud, avec mes mots de je-suis-énervée-srcogneugneu. Des mots qui, parce que ce sont les miens, peuvent te paraître flous.

 

Tout d’abord, je ne renie rien, je ne retire rien, cet avis est le mien, je le juge défendable et assume ce que j’ai écrit de A à Z.

 

Cet article est, avant tout, une invitation à la nuance. J’aime la nuance. Tout comme je déteste les discours radicaux, d’où qu’ils viennent. J’ai très très peur de l’extrémisme, de quelque bord qu’il soit.

 

Partant du principe que les petites histoires valent mieux que les laborieuses explications, j’ai partagé des expériences que J’AI vécues… Je pense à l’épisode du pouce en l’air. Moi, Pauline, ce geste ne m’a pas gênée. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’aurait pas gêné Hélène, importuné Charlotte. Mes limites ne sont pas LES limites, ma tolérance n’est pas LA tolérance, mon interprétation est subjective.

 

Mais, de même que je n’entends pas imposer mes limites, je refuse qu’on m’impose des limites qui me boudinent. J’aime les garçons, je considère que la majorité d’entre eux n’est pas dangereuse : cela ne signifie en aucun cas que je nie l’existence du harcèlement de rue. Comment le pourrais-je, puisque je le vis ? Je ne veux pas me sentir coupable d’apprécier les hommes, et mon féminisme n’est ni haineux ni vindicatif, ni sexiste. Certains discours laissent penser qu’après des centaines d’années de domination masculine, le temps est venu pour les femmes de prendre le dessus. Loi du Talion. J’exècre.

 

Je raconte, je dénonce, j’écris pour le bien vivre-ensemble. Et le bien vivre-ensemble s’apprend. Bien sûr, qu’on peut l’imposer de l’extérieur, mais alors il me paraît factice et si fragile… L’homme qui partage ma vie me respecte parce qu’il considère que lui = moi = humain. J’aurais peur d’un homme qui me respecte parce que la loi lui impose de me respecter. C’est ce que je veux dire, lorsque j’écris que je ne veux pas que les hommes aient peur des femmes, et que le respect découle de la crainte.

 

Je sais, je vis dans le monde des petits poneys. Je sais, la contrainte est indispensable. Mais la contrainte seule n’éduque pas. Et les généralités abusives agressent et clivent.

 

Je pense, sincèrement, que certains hommes, de bonne foi, ne comprennent pas ce débat. Et je comprends, même si ça m’énerve. Le harcèlement de rue, c’est tombé d’un coup. Tout le monde en parle, les témoignages pleuvent. Comment pourraient-ils n’être pas sceptiques ? La plupart d’entre eux n’a jamais adopté ces comportements inacceptables. La plupart d’entre eux n’en a jamais été témoin. Ce n’est pas leur quotidien. Ils ne sont pas directement concernés. En revanche, ils sont visés en tant que porteur d’un pénis donc potentiellement harceleurs. Mais non. Ces hommes normaux, qui respectent les femmes, sont aussi victimes de la minorité de goujats qui les harcèlent : la moindre de leur tentative d’approche peut être mal interprétée, les plus timides n’osent plus, ceux qui osent encore se prennent parfois dans la figure des réactions disproportionnées (mais compréhensibles, je pense qu’il m’est arrivé de rembarrer méchamment un mec sympa, juste parce qu’avant lui cinq abrutis m’avaient gonflée).

 

Moi, j’ai décidé de ne plus JAMAIS me laisser faire par les quelques connards qui se croient tout permis. J’invite les filles à faire de même, et je les invite à avoir du discernement, à ne pas voir l’homme comme l’ennemi.

 

Franchement, hommes, femmes, on s’est trop opposés, trop divisés.
Aujourd’hui, j’ai envie qu’on s’aime.
Dans le respect. La compréhension. Et pour le plaisir.

 

! Article à lire sur www.imnotbitch.com



26/09/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 6 autres membres