Lis mes ratures...

Il y a un peu plus d'un an, je me suis fait poser des implants mammaires. Et pour certains, c'est comme si j'étais passée du côté obscur de la force. Comment peut-on se dire féministe, et se faire bistouriser les seins ? Allez, je me fous à poil, et je vous raconte.

Non, ce n'est pas une apologie de la chirurgie esthétique que je m'apprête à faire. J'aimerais bien plutôt démonter un cliché. Et pour ce, je vais étaler un peu ma vie : elle n'a rien de fondamentalement original, aussi je confère à mon expérience une petite aspiration à l'universalité. Si si.

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J'ai toujours eu des petits seins. J'ai toujours affirmé que je m'en moquais. J'ai toujours pensé comme tout le monde que les filles qui se faisaient refaire la carrosserie compensaient par le silicone leur déficit de cerveau.

Mes petits seins n'ont jamais été un obstacle insurmontable (et pour cause, haha). Je vivais plutôt bien avec. J'ai eu des amoureux, on a fait des trucs tout nus, je n'ai jamais hésité à les montrer, et si un couillu s'était permis une réflexion je lui aurais juste conseillé d'aller voir ailleurs si j'y étais. Jamais un couillu ne s'est permis une réflexion sur mes seins. Même qu'ils plaisaient aux couillus qui ont eu l'immense privilège des les voir, je pense.

(Bon, okay, j'arrête de vous appeler les "couillus" <3)

Pourquoi donc les faire grossir par un procédé pas naturel ?

Hum. Une petite rétrospective s'impose. Pour diverses raisons, gamine puis adolescente complexée, tralali tralala, j'ai été anorexique, puis boulimique. Ô joie. Ca m'a pris un paquet de temps, de sortir de ce caca. D'introspection en introspection, j'ai réalisé que j'avais un problème avec la féminité. Que je ne me sentais pas féminine, tout en sachant que je l'étais (oui, oui, oui, je suis névrosée). Tout doucement, j'ai appris à cohabiter avec mon corps, à lui faire confiance, à le trouver désirable. Mais il me manquait un petit truc pour tourner la page : ce petit truc, ce fut l'opération qui me fit passer d'un bonnet A pas rempli (à cause notamment des mes fluctuations de poids) à un bonnet C pas énorme, juste en accord avec ma morphologie (je fais 1m70, et je ne suis pas une crevette).

Chose amusante, les gens ne s'en sont pas rendu compte. Et quand je dis "les gens", je parle de mes cousins et cousines, de mes oncles et tantes, de certains de mes potes à qui je n'avais rien dit.

Faux seins = superficielle et écervelée

La chirurgie esthétique est un sujet dont on parle beaucoup (des ratés, notamment). Dont beaucoup parlent sans rien y connaître. Je le répète, je ne cherche pas à vous convaincre de vous faire poser des prothèses partout partout. Non. Je vous invite simplement à modérer vos jugements. Les femmes à franchir le pas sont plus nombreuses que ce que l'on pourrait penser, et elles se taisent par peur d'être cataloguées. Pour ma part, je m'amuse à voir les réactions des gens. De très virulents contre la chose, ils se radoucissent lorsque je dis que oui, mes seins, je les ai un peu aidés à prospérer.

Ces seins, ce sont toujours mes seins. Et non, je n'ai pas envie de corriger la petite bosse sur mon nez, de liposucer mes bras, de raccourcir mon gros orteil.

Ces seins, ce sont toujours mes seins, et j'ai pris seule la décision de les modifier. Mon amoureux n'était pas spécialement enchanté, et tout étonné de ce revirement, moi si à l'aise avec mon anatomie : c'est que je m'étais interdit d'y penser. J'avais rangé l'augmentation mammaire dans la case "meuf superficielle et écervelée". Parce que attend, ça coûte super cher, c'est pas indispensable à la vie, et il y a des petits enfants qui meurent de faim.

Attention, je ne dis pas que je n'ai pas été influencée par les avatars de la féminité dont nous bombardent les médias, la mode, la pub... Je n'en sais rien. J'aime les seins, petits moyens et gros. J'encourage les filles à aimer leurs seins, petits, moyens et gros. Je n'aimais pas les miens, et c'est bien différent.

Parlons d'eux, d'ailleurs. Mes seins. Rien à voir avec Nabilla. Quand je dis que ce sont toujours mes seins, c'est qu'ils n'ont rien d'attributs standards : je les reconnais, mon amoureux aussi, ils ne sont pas parfaits, et je ne souhaite pas qu'ils le soient.

Invitation à la prudence...

Modifier son corps n'est pas une décision que l'on peut prendre à la légère. C'est un budget. C'est douloureux. C'est devoir se réhabituer à soi. C'est y avoir longuement réfléchi et être certain que le désir d'opération n'est pas l'arbre qui cache la forêt (un mal-être plus profond, comme c'est le cas, je pense, de ces femmes qui ne savent plus s'arrêter). C'est s'adresser à la bonne personne, qui jugera du bien-fondé de la demande, saura conseiller et refuser les requêtes pas raisonnables (d'ailleurs je m'étais dit que pour m'assurer de la déontologie de mon chirurgien esthétique, je lui affirmerais vouloir un bonnet F lors de la consultation, et que s'il acceptait je partirais en courant). C'est être patient car le résultat final met du temps. C'est le faire pour soi, et uniquement pour soi.

Alors oui, j'ai des faux seins, et je le vis bien, merci. Mes seins et moi, on s'amuse comme des petits fous. Et à vrai dire, ce que les gens en pensent, on s'en moque pas mal (comme avant, d'ailleurs).

Invitation à la nuance...

J’ai des faux seins, et j’en ai un peu marre de ces discours moralisateurs qui appellent à la libération des femmes, la libération des corps, et me cataloguent sous-prétexte que j’ai modifié le mien.

Lorsqu’on lutte contre les diktats de la société, de la mode, de l’esthétisme, du corps parfait, de la religion, de la société patriarcale, des ragondins ou que sais-encore, le dogmatisme n’est jamais bien loin.

Mes seins et moi, on est copains. Mon corps et moi, on se respecte.

J’invite à la nuance.

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