Lis mes ratures...

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Fifty shades of Grey, E.L. James

En ce qui concerne ce… roman ? J’ai le c*l entre deux chaises. C’est mal écrit, sans style, mièvre, cucul-romantico-dégoulinant (ce à quoi le sujet se prête assez mal, de prime abord). Récit de l’initiation sexuelle d’une étudiante, belle mais qui l’ignore, intelligente forcément, par un homme d’affaire riche, beau et qui le sait, brillant évidemment. Il est un chouia pervers, amateur de sadomasochisme. Elle est ingénue mais révèle une aptitude exceptionnelle à la chose. Elle aime quand il la touche « en bas », etc.

 

Bon. Je l’ai lu en deux jours, j’avoue. C’est divertissant et pas compliqué. Puis comme j’ai de l’imagination, je me représente mon Christian Grey et ça me remonte le moral d’avoir dans la tête un Apollon dépravé.

 

Je n’ai rien contre ce genre de littérature, dans l’absolu. Je ne vais pas prétendre que je lis Montaigne à la plage et Proust dans mon bain. Mais quand même. Il me semble que le travail d’un éditeur, c’est de rendre le texte potable, et là… Décidément, c’est trop mal écrit. J’en ai ri.

 

Ce qui me gêne, au-delà du style douteux, c’est ce que dit le succès de Fifty shades de l’état du monde de l’édition. Un éditeur prêt à investir des sommes considérables et utiliser sa force de promotion pour vendre… de la m*rde. Je ne pense pas que littérature populaire et littérature de qualité soient inconciliables. Et je pense que la littérature populaire de qualité + la force de promotion des grandes maisons = un succès commercial et de nouveaux lecteurs qui entrent en littérature.

 

Ce qui me gêne, ce sont les fausses idées véhiculées. Un roman novateur parce qu’écrit par une femme qui dit tout, avoue ses fantasmes les plus profonds, enfin ! La parole libérée. Un récit osé et transgressif. La revanche de la littérature érotique, trop longtemps censurée.

 

Oui, mais non.

 

Osé ? C’est une histoire d’amour conventionnelle (coup de foudre, fidélité…) un peu épicée.

 

Transgressif ? Sade, Aragon, Pauline Réage, Pierre Loüys et Esparbec se gaussent.

 

***

 

Je reviens sur ce que j'ai écrit. Pas pour le corriger, mais pour le compléter. J'ai réfléchi, et je crois avoir compris. Passée l'écriture fade et moche, il me semble que le succès de Fifty shades découle de l'exact inverse des idées véhiculées lors de sa promotion. Dans la sinistrose ambiante, dans une ère de libération sexuelle qui encourage à la consommation des corps et au dessèchement des sentiments, les deux étant difficilement conciliables, la romance d'E.L James est une petite utopie : l'amour fou qui dépasse les défauts de l'être aimé (Ana se prête aux jeux SM de Mister Grey ; Mister Grey s'adoucit pour contenter Ana), le sexe épanouissant qui lie les corps et les âmes, la permanence et le renforcement d'une relation qui se construit au cours des trois tomes (avec ses hauts et ses bas) et qu'on imagine continuer longtemps après. "Il se marièrent eu eurent beaucoup d'enfants." Anastasia Steele et Christian Grey réconcilient les paradoxes de l'époque moderne : le sexe libéré et l'aspiration à l'amour toujours.



16/01/2014
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