Lis mes ratures...

Lis mes ratures...

Jules ou l'amour vache

De la nécessité du devoir conjugal

 

Il y a du monde à ce vernissage. Du beau monde endimanché. Et le lot habituel des parasites venus draguer.

 

Je travaille dans une société de vente aux enchères. Mon métier, c’est dénicher des œuvres d’art très chères et convaincre leurs fortunés détenteurs de s’en séparer. Je courtise des collectionneurs privés, m’invite chez eux pour reluquer leurs galeries personnelles. J’use de mes charmes pour les corrompre. Je joue de mes jambes, de mes seins, je bats des cils, passe ma langue sur mes lèvres, puis sur le bout de leur queue. Je donne de ma personne. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds - sourire énigmatique - que j’ai un travail physique. Je ne côtoie que des jeunes gens riches. Logique, donc, que j’ai fini par en épouser un. Pas logique, en revanche, qu’après m’être fait culbuter sur tous les canapés en cuir d’agneau de Paris par des mâles à particule, j’ai choisi l’aristo frigide du cheptel. J’ai pris sa retenue pour de la galanterie, un savoir-vivre vieille France... J’ai rêvassé le Prince Charmant. En réalité, Charles de la Fistinière est pompeux, suffisant. Et il n’a pas de cheval blanc (c’est très regrettable : j’aurai au moins pu compter sur la vigueur du poney).

 

Il y a trop de monde à ce vernissage. Je me fraye un chemin, frôle un grand type aux yeux noirs. C’est Jules. Il attrape discrètement ma main et caresse ma paume avec son pouce. Notre signal. Je me tourne vers mon mari : “Charles, chéri, tu m’attends deux minutes ? Je vais faire pipi.” Charles joue la princesse outragée. Il déteste les détails prosaïques. Tout ce qui se passe en dessous de la ceinture ne l’intéresse pas. Charles est très cultivé, très raffiné, mais il ne me baise pas. Dommage, moi je suis très charnelle. Et Jules m’attend dans les toilettes.

 

Traiter le mal par le mâle

 

Seigneur, qui êtes aux cieux, pardonnez-moi mais... moi aussi, je convoite le 7e ciel. Un mariage grandiose, une nuit de noces molle, 180 jours de conjugalité impuissante, pas de bébé, toujours pas de poney : en bref, six mois d’onanisme quotidien. Je ne baisais même plus avec les collectionneurs que je rencontrais. Je m’accrochais à la fidélité comme une moule à son rocher, une moule toute triste qui voyait son rêve de petite fille se dessécher.

 

Puis Jules. Je me suis jetée sur ce nouveau collègue aux prunelles sombres. C’était la pause, on buvait un café. Il se pencha vers moi pour allumer ma cigarette, mes yeux croisèrent les siens et je me dis qu’avec un regard comme ça... Je suis curieuse. Pas patiente. Dans l’ascenseur, je pris sa bouche encore chaude du café, posai une main autoritaire sur sa braguette. Il me fit jouir sans me déshabiller, ses doigts par-dessus le tissu de ma culotte. Ses yeux noirs, si noirs que je ne distinguais pas la pupille des iris, guettaient mes réactions. Sa main dansait sur mon souffle, il appuya un peu plus fort sa paume contre ma chatte... Ding. La porte s’ouvrit, il sortit de l’ascenseur, se retourna pour me sourire, porta ses doigts à son nez.

 

Mon Jules m’attend dans les toilettes. J’abandonne Charles de la Fistinière, qui contemple d’un air pénétré (et de circonstance) une sculpture phallique.

 

De l’utilité de faire l’amour la lumière allumée

 

Je pousse la porte marquée d’un petit homme schématique. Ça sent la pisse, une odeur rance et primitive. J’aime faire l’amour dans ces endroits un peu glauques, me sentir en danger, trouver refuge dans les bras de Jules, apeurée et excitée, agacer son instinct de mâle protecteur et me comporter en femelle. La lumière est éteinte. Le noir est total, touffu. Ce noir que petite j’exigeais dans ma chambre, effrayée d’être aveugle, rassurée à l’idée que les monstres de mes cauchemars le seraient aussi. Je ne vois rien, du tout. Jules me cloue au mur et sans cérémonie se laisse tomber à mes genoux. Je suis nue sous ma robe. Sa barbe renaissante griffe mes cuisses. Jules embrasse mon sexe comme il embrasserait ma bouche. Il pose ses lèvres sur les miennes, le contact est léger, frustrant de légèreté, délicieux d’une légèreté que je sais éphémère. “Bouffe-moi la chatte”, je murmure. Les mots m’enragent, ces vilains mots que Charles abhorre. “Chatte chatte chatte”, je scande, psalmodie, alors que Jules s’exécute, me lèche de bas en haut. Ma fente s’entrouvre et sa langue cherche mon clitoris, le salue d’un contact poli, puis entame plus franchement les hostilités, pointue et plate, rapide et lente, exigeante. Deux doigts dans mon ventre échaudé... J’explose. Son visage barbouillé étouffe mes feulements d’un baiser qui me surprend, habituellement Jules m’embrasse moins profondément, mais j’aime cette langue qui caresse mes gencives, l’intérieur de mes joues, mon palais, et sa bouche a bon goût, mon goût... Sa ceinture cliquette, il frotte son sexe dur contre ma hanche. Je crève d’envie. Je glisse le long du mur froid, la tige chaude de Jules voyage sur mon ventre, entre mes seins, heurte mon menton. Accroupie, j’enfouis mon nez dans le nombril, parcours des lèvres le petit chemin de poils qui mène au sexe. Je suis du bout de la langue la veine gonflée, tourne autour du gland, suce la peau, le couvre et le découvre, le happe un instant, m’attarde sur le frein sensible. La queue impatiente me tapote le visage. Je la prends dans ma bouche. Je tète doucement le bout, puis l’avale, puis le tète, puis l’avale... J’en ai marre de jouer. Je me redresse. “Enfile-moi, Jules. Je veux ta queue. Tout de suite...”, j’implore. Jules passe un bras sous ma jambe droite et la lève au niveau de son épaule. Il me fait languir, son gland à l’orée de mon con. “Je t’en supplie Jules... Prends-moi, putain.” Si Charles m’entendait... Cette idée m’enflamme, j’agonise, j’exige qu’on m’achève. “Ta queue, Jules...” Il me poignarde. Enfin. Tout au fond. Va, vient, sa queue tendue me fait presque mal. Je suis remplie. Complète. Plénitude. Ses grognements dans mes oreilles, et le bruit mouillé de nos sexes qui s’entrechoquent. Je respire sa nuque. Il a changé de parfum. Et j’ai un doute, soudain. Je passe ma main sur son visage, mes doigts découvrent une bosse sur le nez, des pommettes trop hautes, des sourcils trop fournis, des cheveux bouclés... Je cherche la lumière, les néons crus éclairent la pièce. Un grand blond aux yeux bleus me baise contre le mur blanc des chiottes. Ce n’est pas Jules. Je jouis. “Salut, au fait, moi c’est Grégoire.” Je bafouille. Je fuis.

 

Du bien-fondé du brossage de dents

 

Charles me réprimande, il ne connaît personne, je l’ai laissé seul. Je l’embrasse distraitement pour couper court à ses protestations. Oubliant que ma bouche pue la luxure.
“Tu sens bizarre, trésor, et tu es toute rouge... Tiens, mais ce n’est pas ton collègue Jules ? Bonsoir Jules ! Comment allez-vous ?
- Très bien, et vous-même ?, rétorque Jules en s’approchant, tu as bonne mine Hélène...”
Si je pouvais creuser un trou et disparaître. Grégoire vient de sortir des toilettes. À ma surprise, Jules le hèle : “Grégoire, viens ! Je veux te présenter de bons amis.” Puis il se penche vers moi, et ajoute à voix basse : “Enfin, toi, tu le connais déjà, mon pote Grégoire... ça t’a plu, non ? Moi, j’ai adoré.” Je tombe des nues. J’attrape au vol une coupe de champagne que je vide d’un trait, puis une deuxième. Charles pose sur moi ses yeux moralisateurs. C’est trop. Je hurle. “Ta gueule, Charles, ta gueule. Tu sais pourquoi j’ai les joues rouges ? Parce que j’ai baisé avec lui, là. Et tu sais quoi ? Depuis 6 mois je baise avec Jules aussi. Et avant toi, je me suis envoyé TOUS les collectionneurs que j’ai rencontrés. VOILÀ.”

 

Bilan de la soirée :
- un mariage abstinent mais confortable foutu en l’air,
- une cruelle désillusion : Jules, dont je suis connement tombée amoureuse, est un tordu qui me prête à ses potes,
- une super réputation,
- un orgasme (quand même).

 

Deux semaines plus tard. J’habite dans un petit appartement. Je me sens... toute vide. J’ai beaucoup chialé. Charles a demandé le divorce, Jules m’a larguée parce qu’“on a fait le tour de la question”. Sombre connard.
J’ai adopté une plante verte, puis un chaton. Je suis triste, j’ai faim de sexe, envie de Jules, soif de vengeance.

 

Aller travailler est un calvaire. Le bureau de Jules jouxte le mien. Depuis l’esclandre du vernissage, les femmes ne me parlent plus et les hommes pensent que mon corps est tombé dans le domaine public. Leurs yeux crapahutent.

 

De l’art de la vengeance

 

Lundi.
Éric le responsable des ressources humaines m’effleure la main en me tendant une tasse de café. Clément le commercial me regarde en se mordant les lèvres. Et Paul le webmaster me met une main aux fesses. Jules contemple la scène. Sourire goguenard. Une idée me vient. Je fais à Paul mon plus beau regard de chat. J’ai les yeux verts, ça aide. “Viens dans mon bureau, j’ai très envie de te sucer.” J’ai parlé assez fort pour que Jules entende. Paul me suit la langue pendante. Toutou excité. Sous son gros ventre, sa petite queue frétille. Je le pompe avec application, il éjacule rapidement. Je crache le sperme âcre dans un mouchoir que je dépose sur le bureau de Jules le soir en partant.

 

Mardi.
J’enchaîne avec Clément. Je l’entraîne dans les toilettes. Jules nous a vus entrer. Clément m’embrasse longuement. C’est un grand brun, d’une quarantaine d’années, plutôt bien conservé. Je suis un peu gênée, j’ai sympathisé avec sa femme à l’arbre de Noël de l’entreprise. Elle est chanceuse, sa femme, d’avoir tous les soirs dans son lit un mec comme ça. Il est en costume, une protubérance prometteuse déforme son pantalon. Il attrape mon menton entre le pouce et l’index : “Je vais bien m’occuper de toi”. Le ton de sa voix, suave, chaude, me liquéfie. Il retire ma culotte, passe sa langue sur le coton trempé. Il plonge sous ma robe volante. Son visage caché, j’imagine Jules... Ses doigts remontent à l’intérieur de mes cuisses, où je sais ma peau si douce. Ils effleurent mes lèvres humides. Ses pouces écartent la chair, je sens qu’il me contemple, me respire. Il recueille un peu de cyprine pour caresser mon clitoris, très doucement, avec la pulpe de son pouce, alors que ses autres doigts me pénètrent, un, puis deux, puis trois, puis quatre... Je vais à la rencontre de sa main. Je miaule. La bouche de Clément succède à son pouce, ses lèvres enserrent mon bouton... Le temps que ma vision redevienne nette, Clément est parti. J’essuie ma chatte trempée avec ma culotte. En sortant, je la colle dans les mains de Jules, posté devant la porte.

 

Mercredi.
Mes fesses cognent contre le ventre d’Éric. Je ne sens rien mais je crie fort, je sais que la fenêtre de Jules est ouverte, je sais qu’il m’écoute. Je suis accoudée au rebord de la grande baie vitrée, une petite brise me caresse le visage, je vois Paris. Je m’emmerde. J’humecte mes doigts de salive et les glisse entre mes cuisses. Mon clitoris est tout recroquevillé. Peine perdue. Les va-et-vient m’irritent. Très investie de mon nouveau rôle de salope, je congédie Éric, il râle, et c’est avec une érection difficile à cacher qu’il sort de mon bureau. Je m’assieds face à mon ordinateur, pensive. Je vais me faire virer à force. Ma boîte mail clignote. C’est Jules :

- Tu simulais. Tu n’as jamais crié comme ça avec moi.

- Et pour cause...

- Hélène... Il faut que je te parle.

- Demain soir, dans mon bureau.

C’est parfait. Tout va rentrer dans l’ordre.

 

Raffinements

 

Jules. Mon Jules.. Tu es là, tes yeux noirs, la ligne sévère de tes mâchoires tendues, ton sourcil droit levé interrogateur, la moue boudeuse qui infléchit les coins de ta bouche et lui donne ce sourire inversé que je brûle d’effacer d’un baiser. Pas encore. Il est 19h30, les locaux sont vides, reste toi et moi. Je fais le premier pas. C’est bon de retrouver ton corps. Je te déshabille. Ce que je vois ne fait que confirmer ce que je sais car je connais tes lignes par cœur. La ligne de tes épaules horizontale de la nuque à la pointe, celle des bras verticale et bosselée par les muscles, presque parallèle à celle de tes flancs en pente douce vers le renflement léger de ton ventre et celui plus prononcé de ton sexe, et derrière le bas de ton dos vallonné en contrebas des fesses auxquelles je me cramponne quand tu t’abats sur moi. Mon Jules. Je t’embrasse. Tu gardes les dents serrées. Je prends tes mains, dispose tes paumes dans le creux de mes reins, mes seins contre ton torse nu. Tu luttes mais ton corps me répond. Ton sexe gonfle. Je pose mes lèvres juste en arrière de ton oreille, ta respiration s’accélère, tes mains dans mon dos s’activent, parcourent mes fesses, s’insinuent sous mon pull, lissent mon ventre, soupèsent mes seins. Je te retrouve. Tu me mords le cou, un peu fort, je frissonne. Ton animalité. Je suis nue maintenant. Ta peau contre ma peau compose une mélodie que je connais. J’ai envie de pleurer, c’est tellement bon, je suis tellement bien... Je branle doucement ta queue, mes yeux rivés aux tiens. Tu as tout gâché. Je n’arrive pas à te pardonner. Tu t’assieds sur la chaise. Je passe mes jambes de part et d’autre de tes cuisses, ton sexe palpite sous moi, terriblement tentant. Je plie les genoux, ma fente humide caresse ton gland, je vais je viens. Je guide ta queue au creux de mon ventre, j’avais oublié à quel point on s’emboîte bien, toi et moi. Je te murmure que je vais t’attacher. Confiant, excité, tu me laisses faire. Ma poupée de chair... Tu te confonds avec la chaise, tout emmailloté de cordes. Je te bande les yeux. “Je t’aime, Hélène...”, tu dis. C’est ce qu’on va voir.

 

Thomas est arrivé. Il s’approche à pas de loup. Je m’agenouille près de toi, vulnérable. Au passage je hume ta peau, la sueur de la journée, le reste de parfum, l’odeur fauve de tes poils, ta queue dressée et luisante qui sent nous. Je l’escalade avec ma langue, grimpe la hampe jusqu’au gland si doux. Petits coups rapides et consciencieux, je la nettoie... Et cède la place à Thomas. Il te suce avec entrain. Sentiments mêlés. Jalousie... Mais votre vision m’excite. Thomas monte et descend de plus en plus vite. “Hélène, ma puce, ma petite pute...”, tu souffles. Thomas me fait un signe de la main. C’est le moment. Tu fronces les sourcils au contact de mes doigts qui dénouent le bandeau, alors qu’en bas une bouche que tu penses être la mienne s’apprête à te faire jouir. Ton beau visage se tord à la vue de Thomas qui mange ta queue. Trop tard. Point de non retour. Tu te cambres, parcouru de longs spasmes. Thomas se pourlèche et dépose un baiser plein de sperme sur tes lèvres tordues.

 

“J’ai pris quelques photos avec ton téléphone, je les ai envoyées à TOUS tes contacts. Je vais partir, maintenant. Les collègues te trouveront demain. Mon amour, c’est de bonne guerre. Tu croyais que j’allais te laisser me malmener sans rien dire ? C’est mal me connaître... Tu sais à quoi t’en tenir, maintenant. On est quittes.”

 

Tes yeux écarquillés. J’embrasse ta bouche défaite. En sortant, je placarde ma lettre de démission sur la porte.

 

Je suis mi-soulagée mi-amère. J’espère que tu me pardonneras. Je t’ai dans la peau, enfoiré.

 

! Texte à lire sur www.imnotbitch.com



26/09/2014
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