Lis mes ratures...

Lis mes ratures...

J'ai peur du noir

J’ai peur du noir.

 

La nuit je hurle. Soupire de ne pas dormir, épuisée et soulagée. Gémis de plaisir, entre mes cuisses l’homme me soustrait à l’obscure, s’il est habile je sombrerais apaisée.

 

La nuit je hurle. Semi-conscience. Le noir se meut. Une silhouette penchée, masque horrible toutes dents dehors… La dernière fois, c’était une vieille. Les ampoules avaient grillé. Elle avait un couteau, désirait ma gorge, tranchée. J’ai senti l’acier sur ma peau. Vu l’éclat d’un sourire carnassier. Hurlé, hurlé. Je suis trempée de sueur. Je colle aux draps. Ma main sur mon cou constate que tout est OK. Y a ma jugulaire qui palpite comme une folle, entière. J’ai trop de sang dans la tête et je ne vois plus rien, que la vieille et son rictus hideux.

 

Elle a été gentille la vieille pourtant. Dans le métro ce matin. Elle n’avait pas l’air très propre. Frusques déchirées douteuses. Gobelet Starbucks tintinnabulant de pièces rouges. Je n’avais pas de monnaie. Mais elle m’a souri. Moi, j’ai tenté un truc approchant : j’ai relevé les coins de ma bouche, je savais que mes yeux ne suivaient pas le mouvement. C’est l’intention qui compte. Elle a dit quelque chose comme "Courage !" mais avec son accent ça faisait plutôt "Kôoarrlaje !", et j’ai ri pour de vrai. Complicité. Même rame, même wagon, et les deux choses qui emmerdent les Parisiens, une mendiante et une fille qui pleure. Regards fuyants des Parisiens, ne pas regarder la Roumaine, ne pas regarder la fille qui pleure avec sa gueule lacérée de noir. Y a le mec lourd qu’a rien compris, super héros autoproclamé qui se propose de me sauver parce que de toute évidence je manque d’amour. Il n’a pas tort, mais son amour je n’en veux pas. Non, merci, pas toi…

 

Elle a été gentille, la vieille, mais la nuit l’a métamorphosée. Elle est là fantasmée avec son long couteau, c’est trop tard, c’est gâché, elle me fait peur. Je colle aux draps et je n’entends plus rien parce que mon cœur étouffe mes oreilles. Je n’entends que mon cœur abruti tambourinant parce qu’il n’y a que lui à écouter, ici, dans la nuit touffue.

 

J’ai peur du noir. J’ai plus cinq ans, mais j’ai peur du noir. Je n’aime pas les recoins sombres et c'qui s’y passe, c'que les gens y trafiquent, c'que j’y fais parfois. Je n’aime pas être grise, me mélanger à une autre peau grise. Les ombres et creux sur un visage, surface lunaire, le cratère inquiétant des yeux… Parfum de mort. J’aimerais faire l’amour la lumière allumée, en même temps la nuit m’habille, je ne suis pas tout à fait nue et ta face bossue trouée se confond avec celle de ceux qui t’ont précédé. La nuit fait des hommes un dégradé de gris. Tu n’es qu’un dégradé de gris. 



19/02/2014
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